J'y suis arrivé en Juillet 1986 après avoir effectué préalablement quelques voyages d'information.
Mon patron et ami de Libreville m'avait dit :"Depuis la mort de Sekou Toure" la Guinée a du maintenant
se libéraliser, tu devrais aller voir ce qu'on peut y faire", on était en début 1985.
J'ai donc pris mon bâton de pélerin et je suis parti là-bas pour me rendre compte.
J'ai eu comme un choc lorsque je suis arrivé à Conakry! venant de Libreville, qui bien que n'étant pas
la France, a tout de même toutes les infrastructures modernes, là, vraiment je tombais de haut:
Immeubles délabrés, saleté dans les rues, électricité 3 à 4 heures par jour, routes complètement défoncées, enfin le moyen-âge...
Les ministres recevaient dans des bureaux!!! vraiment il fallait voir ça! incroyable!
Le bureau lui-même avait le dessus formica arraché sur une partie de la surface, et les pieds étaient
de longueur différentes si bien que le bureau partait d'un côté ou de l'autre suivant l'appui que prenait
le ministre au fur et à mesure de la conversation!
Il y avait tout à faire! on ne trouvait aucun mobilier digne de ce nom, aucun équipement de maison, rien.
Et puis j'ai trouvé des guinéens qui m'ont accueilli à bras ouverts et qui ont pour la plupart, été corrects
et sincères avec moi.
J'ai donc fait part de mes impressions à mon patron en rentrant à Libreville qui a décidé de s'y rendre à son tour.
A son retour, il a convenu qu'il y avait possibilité de monter une affaire là-bas et m'a dit :
"Je suis d'accord pour qu'on crée quelque chose en Guinée mais moi, je n'y vais pas..si tu veux tenter
l'expérience, à toi de jouer"
J'ai dit "OK" et suis parti quelques jours après, avec ma petite valise et de l'argent pour créer notre Société
de mobilier et équipement de maison.
Je vous passe les recherches pour trouver des associés guinéens qui soient dignes de confiance, les formalités
de création de la société, enfin toutes les entraves, tous les avatars que je vous laisse imaginer...
Pendant ce temps j'avais, en accord avec Libreville, fait venir deux containers de meubles que nous fabriquions
dans notre usine du Gabon, du très beau mobilier de logement, en latté plaqué dibetou ou massif.
J'avais réussi à louer un entrepôt à une société d'état dont le directeur était un de mes associés dans
ma société.
Mais il y avait une mésentente avec son adjoint et cela a failli me coûter cher!
Donc j'avais mis le mobilier que j'avais reçu du Gabon dans cet entrepôt mais un jour la fille de cet associé
m'averti que l'adjoint avait manigancé un coup pour saisir le mobilier.
Il faut vous dire, pour ceux qui ne connaissent pas l'Afrique et particulièrement la Guinée, qu'à cette
époque c'était carrément un espace de non-droit... tout pouvait arriver à chaque instant! on se levait
le matin sans savoir ce qui allait nous tomber dessus dans la journée!
Donc, c'était un vendredi, et je suis averti que le lundi suivant l'entrepôt va être fermé et que je n'y
aurait plus accès, cela bien sûr sans raison valable car j'avais toujours payé la location demandée.
J'apprendrai après que c'était un problème de répartition d'une partie de la location entre les
responsables qui avait posé problème.
Quoiqu'il en soit il ne me reste plus beaucoup de temps pour trouver une solution.
J'avais un ami qui avait une petite entreprise de bâtiment et qui avait un peu de main-d'oeuvre et comme
j'avais un camion, j'ai décidé de tenter le déménagement du mobilier pendant le week-end.
Comme j'avais la chance d'avoir une très grande maison où j'étais seul, j'avais la place, à condition
d'en mettre un peu partout !
Nous avons fait je crois une quinzaine de voyages entre le centre ville et Taouya mais cela valait le coup
car le lundi j'ai appris que le fameux adjoint avait failli avoir une crise d'apoplexie lorsqu'il sut
la nouvelle!
Voilà comment a commencé mon aventure guinéenne.
J'ai eu par la suite bien d'autres aventures que je vous raconterai peut-être prochainement.
Je vais rapidement vous parler de ma tentative de négociant en fruits qui, si elle m'a coûté beaucoup
d'argent, m'a fait connaître le monde des planteurs où j'y ai rencontré quelques personnages
passionnants et ai eu une expérience très enrichissante sur le plan humain.
Donc j'avais deux associés qui possédaient des plantations dans la région de Farmoreah réputée pour ses
très nombreuses plantations de mangues. Il faut dire que les mangues de Guinée comme les bananes et
les ananas d'ailleurs sont parmi les meilleurs du monde, je puis vous l'assurer.
Cet ami m'avait convaincu d'aller faire un tour à Farmoréah pour me rendre compte. Je m'y rendis avec lui
et effectivement je vis beaucoup de plantations et rencontrais la coopérative des planteurs de la
Mellakorée qui m'assurèrent qu'ils étaient près à me fournir autant de mangues que je voudrais...
Je ne connaissais strictement rien à ce commerce et je me mis à me renseigner sur cette activité.
Lors d'un séjour en France je contactai des spécialistes de ce fruit qui me confirmèrent que la mangue
de Guinée était de grande qualité, puis j'allais à Rungis ou je réussi à décrocher un contrat qui mettait
cependant tous les risques à ma charge : J'expédiais les fruits, heureusement port à leur charge, et
j'étais payé au prix du marché au moment de la vente si les fruits étaient en bon état...je ne savais
pas que c'était un monde très particulier que celui des grossistes de Rungis!!!
Me voilà donc embarqué dans la collecte des mangues!
J'ai fait venir deux containers de cartons; il fallait voir l'accueil à Farmoréah! les planteurs
n'avaient plus rien vendu depuis que Sekou Toure avait pris le pouvoir, donc pendant vingt sept ans
ils n'avaient reçu que ce que l'Etat voulait bien leur donner...
J'ai commencé le traitement des mangues qui m'étaient livrées mais très vite j'ai constaté qu'on me
portait n'importe quoi!
J'ai du faire de nombreuses réunions pour faire comprendre aux planteurs ce que je voulais, ou plutôt ce
qu'on voulait en France.
Un jour que j'étais allé chez un vieux planteur de plus de soixante dix ans mais d'une vigueur extraordinaire,
et que je rejetais beaucoup des mangues qu'il me passait, il se mis en colère et me dis:" puisque toi tu
sais tout ce qu'il faut faire et bien tu vas trier toi-même toute les mangues". Je lui dis:"d'accord
papa, je vais te montrer ce que je veux" et je me mis à trier la tonne de mangue qu'il avait dans son
hangar.
Il ne pensait pas que j'allais le faire, j'ai passé la journée mais j'y suis arrivé...
Par la suite nous sommes devenu les meilleurs amis du monde... je vais d'ailleurs vous raconter comment.
Un jour que j'étais réuni avec les planteurs, et que nous devisions de l'Afrique, ce vieux
planteur me demanda comment était le Gabon. Je lui racontais ce Pays et je ne sais comment on en vint
à parler des femmes du Gabon et de la Guinée. Je pense que c'est lui qui a du m'aiguiller sur le sujet
car j'appris par la suite qu'il venait d'épouser une jeune femme qui devait être sa troisième ou
quatrième!
Quoiqu'il en soit je lui parlait des "remèdes" que l'on trouve au Gabon et particulièrement des aphrodisiaques,
d'autant que j'avais un ami pharmacien à Libreville, spécialiste de la pharmacopée gabonaise à base
de plantes de la forêt, qui avait concocté un produit qu'il appelait le"Forti S" et qui vraiment
était terriblement efficace...et j'en avait ramené quelques flacons avec moi...
Je le lui dit mais il resta silencieux. J'avais déjà oublié notre conversation lorsqu'au moment où nous allions
sortir du lieu de réunion, il m'attrapa par l'épaule et m'entraîna à l'écart "dis donc, tu pourrais pas
me passer une de tes fioles ? je voudrais bien essayer... tu sais à mon âge et avec une jeune femme..."
puis il se mis à rire. Je ris aussi et lui promis que je lui rapporterai une fiole la prochaine fois.
Ce que je fis et nous devînmes ainsi les meilleurs amis du monde.
Je ne sais si c'est la conséquence de mon "Forti S" mais j'appris quelque temps après que sa femme était enceinte!
Elle accoucha d'un beau garçon et je fus invité à la fête...
Pour en revenir à mes mangues je dois vous dire que je devais les trier, les calibrer, et les tremper
dans un bain de benlate pour éviter qu'elles se couvrent de taches noires sur la peau, phénomène que l'on
nomme l'entrachnose.
Ces taches n'ont absolument aucun effet sur la qualité de la mangue mais elles ne plaisent pas aux
bons blancs qui préfèrent consommer beau mais mauvais...
Enfin, ce sont eux les maîtres du jeu! J'avais donc fait confectionner des caisses de quatre mètres sur
deux et j'avais mis à l'intérieur une feuille de plastique épais, puis je plongeais après triage,
les mangues dans ce bain pendant un quart d'heure environ, et tout cela à la main avec deux ou trois
fils de planteurs que j'avais embauchés, quel boulot!
Vous voulez savoir comment tout ceci c'est terminé ? assez mal, merci.
A Rungis on m'a dit que mes mangues étaient arrivées couvertes de taches noires et que le prix de vente
n'avait même pas couvert le prix du transport! Je n'avais aucun moyen de me défendre et je compris que
sans un représentant sur place je serais toujours le dindon de la farce.
J'ai payé les planteurs et arrêté la plaisanterie.
J'ai perdu de l'argent mais y ai gagné de solides amitiés qui m'ont aidé les années suivantes lorsque
j'avais quelques problèmes.
Et puis, peut-être suis-je si l'on peut dire, à l'origine de la naissance d'un petit homme guinéen
et ça ce n'est pas rien!
Sur la page suivante je vous présente, en vrac, quelques photos de la Guinée, si cela vous interesse...