AERONAUTIQUE

Suite1


Je reprends un peu le fil de mon récit que j'avais interrompu depuis pas mal de temps...
Je suis donc arrivé à OUARGLA au mois de Janvier 1959 et là il a fallu s'adapter à la navigation désertique.
En effet on a au début, l'impression qu'il n'y a aucun repère et pourtant que de signes si l'on sait bien regarder...
J'ai donc volé pendant quelques semaines avec un navigateur habitué à la zone qui m'a montré ce qu'il fallait faire. En dehors des cartes qui n'étaient pas toujours très justes il y avait surtout des formes de dunes qui restaient stables assez longtemps et étaient très caractéristiques.
Je me souviens d'une dune au sommet en forme de coeur, partagé par une ligne médiane avec une touffe d'arbustes de chaque côté, symétriquement. Sur le trajet que l'on appelait la ligne des puits qui nous conduisait à Bir Djedid où nous devions parachuter des vivres et du courrier à quelques légionnaires qui vivaient dans un petit fortin perdu en plein erg oriental, nous devions passer à gauche de cette dune pour tomber sur Bir Djedid... c'était aussi simple que celà; si l'on peut dire.
Il y avait aussi sur ce trajet la couleur des dunes qui pouvait nous guider en fonction de l'heure du jour.
Notre équipage  sur JU52 à l'issue 
d'un atterrissage mouvementé vers Edjelé Je me souviens aussi de l'oued Mehaigaine, au sud de Ouargla, un oued couvert de plantes violettes et que l'on reconnaissait donc très facilement, lorsqu'on l'avait vu une fois.
Et puis "Aïn Taïba" l'oeil du désert, une dune très importante avec en son sommet un trou parfaitement circulaire rempli d'une eau très verte entourée d'un cordon de sortes de lichens; tout cela formait vu d'en haut, un repère inmanquable si on avait pas trop de brume de sable.




Nous arrivons sur Hassi R'mel Après deux semaines en double j'ai été laché seul comme un grand dans le grand désert!
Je dois vous dire que les premières missions dans l'erg ou sur le reg dans le Tinrerht par exemple sont assez tendues... puis après quelques jours on s'aperçoit que ce n'est pas si difficile.



Un beau nuage de sauterelles... Nous avons survolé pratiquement chaque jour tout le territoire, de Laghouat à Edjelé en passant par Ohanet, Fort Polignac, Djanet, Tammanrasset, El Goléa, Ghardaïa, et j'en passe...
A Fort Polignac nous descendions chez nos amis, les pelotons méharistes, et nous prenions les consignes pour savoir dans quelle zone ils se trouvaient.



Arrivée sur Fort Polignac dans le dodge des méharistes En effet, les pelotons partaient quelquefois trois mois pour patrouiller; un français chef de peloton avec une trentaine de méharistes touaregs ou autres.
Nous devions leur "droper" à basse altitude, des vivres et du courrier et comme ils se déplaçaient constamment en fonction des pâturages, c'était plutôt coton pour les trouver!
Toutefois quand on avait fait cela plusieurs fois on savait à peu près où ils allaient et c'est bien rare qu'on soient revenus sans les ravitailler.

Une partie de l'équipage devant le fort Après trois mois à Ouargla j'ai été affecté à Fort Flatters, à 500 kms au sud de Ouargla, où je suis resté pendant 9 mois.




Le plus gros de notre travail quand nous ne volions pas.... Là nous étions loin du pouvoir central donc beaucoup plus tranquilles ce qui fait que nous ne tenions pas, pour la plupart,à revenir sur Ouargla. L'ambiance était super sympa. Nous volions beaucoup mais après les missions nous avions une paix royale...






Djanet, à mon sens la plus belle des oasis du sud algérien. Il me revient une petite anecdote qui m'est arrivé à cette période: J'étais parti sur JUNKER 52 avec un vieux commandant qui dirigeait Flatters à cette époque, le commandant JAR... qui était complètement givré mais très bon pilote.
Nous sommes allés à Ohanet, un fortin dans l'est de Flatters pour deux heures de JU environ. Le Commandant avait son ami qui dirigeait ce détachement. Là ils ont du faire un très bon repas vraiment bien arrosé car lorsqu'il s'est présenté pour repartir il était complètement bourré...
Encore Djanet J'aime autant vous dire que nous n'en menions pas larges mais malgré nos remarques, genre "mon commandant, on pourrait peut-être attendre un peu avant de partir" "reposez-vous un peu" etc... rien à faire, il voulait absolument partir.
Nous avons du partir et moi j'étais en place droite comme navigateur. Heureusement que j'avais déjà piloté le Ju 52!


A notre grand étonnement nous avons décollé sans problème puis nous avons viré tel un chasseur, au moins à 60°, pour faire un passage et dire au revoir à son copain! et là je vous dis pas mais on a failli se prendre le mas du drapeau dans la cour d'honneur; on a du passer à peine à un mètre au dessus. J'avais moi-même saisi le manche et je crois que j'ai tiré avant le commandant JAR... Le soleil se couche sur Djanet Je me suis d'ailleurs fait copieusement engueulé puis nous sommes monté vers 5000 pieds pour avoir un peu de fraîcheur et là il m'a dit :"bon, puisque tu veux piloter prends le manche, tu me réveilleras en arrivant.." puis il s'est mis à ronfler tout ce qu'il pouvait. En arrivant je l'ai réveillé, il a commencé la descente, plein pot, sans réduire et nous avons encore fait un passage sur Flatters à ras des pâquerettes, puis il s'est présenté au break, comme un chasseur,et nous nous sommes posés ainsi.
Voilà, vous voyez je m'en souviens encore comme si c'était hier, quarante ans après.

Atterrissage à Fort Flatters en JU52 A côté de la base il y avait un fort où se trouvait la Légion et comme je me débrouillait en allemand je m'étais fait un tas de copains à la Légion. Aussi pendant quelques temps ça a été dur pour moi car ces "amis" très spéciaux venaient me chercher et je ne pouvais quasiment pas refuser. C'était alors des heures à boire sec et je rentrais complètement "cuit". Heureusement cela n'a pas duré car je suis rentré à Ouargla pour partir à El Oued en détachement pour quelques semaines.
Djanet s'endort Je passerai de côté les opérations faites dans la région de Laghouat, puis le temps est arrivé de rentrer en France métropolitaine où j'ai à nouveau été affecté à Orléans.

Nous arrivons ainsi en mai 1960 et je me retrouve à l'escadron de transport 2/61 "Franche Comté", à nouveau sur NORD 2501.
Et je reprends ainsi les missions habituelles sur l'algérie et bientôt je me vois sacré le champion de la ligne 1217, celle de IN AMGUEL, qui n'interessait personne...
Quelques détachements de six semaines à Brazza et en septembre 1961 comme on demande des volontaires pour une formation de radio je me porte volontaire non désigné d'office...
Et me voilà, ou plutôt me revoilà à Avord pour neuf mois...
Alors là on bouffe du son en veux tu en voilà, à raison de quatre heures par jour et au bout de trois mois on arrive, pour les meilleurs, à prendre à 1000/1200 signes à la minute... et oui, et le plus fort c'est qu'on se pique au jeu !
Cette formation de neuf mois se termine comme de tradition par le fameux VFS ( voyage de fin de stage, bien entendu sur DAKAR,ce qui était la récompense suprême....Départ le 21 Juin 1962, retour le 27. Tout s'est bien déroulé, bonne ambiance, franche rigolade...

En aout 1962 c'est le retour en escadron, au 2/61 "Franche-Comté", où s'enchainent les missions habituelles : transport fret et passagers sur l'Algérie et missions d'entrainement tactique basse altitude.
En mars 1963 on offre aux sous officiers navigants la possibilité de devenir officiers de réserve en situation d'activité "O.R.S.A.", après un petit stage d'un mois à l'école de CAEN, je m'inscris et me voilà parti pour le pays de la boue... que les normands m'excusent mais je n'ai vu pendant ce mois d'avril 1963 que pluie et boue... on "crapahutait" de jour comme de nuit dans les champs détrempés, on faisait des marches forcées de nuit, tout ça pour devenir officiers navigants... qu'elle rigolade!!!
Ca ne nous servait strictement à rien...enfin, on était une bonne bande de copains et on était encore très jeunes, entre 25 et 30 ans.

Je suis donc sorti de cette magnifique école comme sous-lieutenant "ORSA" et ai réintégré ma formation à ORLEANS.
Ensuite, rien de bien marquant...la routine des missions qui s'enchainent, plus ou moins interessantes, mais comme je suis en l'air et que j'adore ça, rien à dire !
Des "In Amguel" (champion de la 1217, souvenez vous !), une belle mission sur l'afrique du 12 Octobre au 23 Novembre 1964, mission de transport de ravitaillement des bases que nous avons dans ces Pays à ce moment là ainsi que de quelques militaires et leurs familles.
Ces missions nous font parcourir l'ouest africain du nord au sud, et j'apprendrai à aimer ce continent et ses hommes, ce qui décidera de mes choix futurs...

En avril 1965, les Forces aériennes stratégiques demandent des navigateurs expérimentés du transport pour aller sur Mirage IV, le bombardier français qui assure l'ossature de notre "force de frappe".
Il n'y a pratiquement pas de volontaires dans le transport car nous préférons l'ambiance "transport" conviviale, décontractée, avec les voyages, à celle assez décriée de la chasse et du bombardement, d'autant que les transporteurs et les chasseurs n'ont jamais fait vraiment bon ménage!
Comme il n'y a personne pour répondre à la demande des Etats majors, ce qui devait arriver arriva...on désigne des volontaires et bien sûr, je suis dans la liste...

Me voilà donc au CIFAS à Bordeaux où je débarque en Mai 1965, pour une longue période de formation de bombardier-radariste qui me mènera sur la "bête", le MIRAGE IV...
Cette formation va débuté au mois de mai, par quatre vols sur B26, équipés du radar APQ13, équipement déjà assez ancien mais qui nous permettait de nous habituer à ce type de navigation, ce qui n'est pas évident du tout...
Bien entendu de nombreux cours théoriques nous étaient dispensés et nous avions vraiment de quoi nous occuper!
Puis nous avons fait une vingtaine d'heures sur T33, notre premier avion à réaction pour la plupart, afin de nous habituer à la vitesse.
Fin juillet 1965, je suis parti de l'autre côté de la base aérienne, à l'escadrille de bombardement "1/92" BOURGOGNE, sur VAUTOUR 2B SO 4050, où je suis resté jusqu'au 30 septembre 1966. Pendant cette période nous alternions les vols sur Vautour et sur B26, les premiers nous servaient à nous habituer au réacteur, vitesse, lecture de carte basse altitude à 400 noeuds...
Là, je ne vous dis pas...je me suis fait retourner la crêpe comme jamais je ne l'avais fait!!!
La plupart des pilotes venaient de la chasse et bien sûr ils adoraient l'accro. Je me souviens très bien d'un pilote, ancien de la chasse de la base de CAZAUX, qui à chaque fois que nous allions partir en mission, téléphonait à ses anciens copains pour leur donner rendez vous au dessus d'un point situé entre Bordeaux et Cazaux, et là c'était parti pour dix minutes, un quart d'heure de combat aérien.
Comme sur Vautour le navigateur était dans le nez vitré, j'étais aux premières loges...un jour, je me souviens avoir vu le cul du réacteur d'un chasseur de cazaux à deux ou trois mètres à peine de moi,nous sommes passés dans le souffle et je peux vous dire que ça fait un sacré effet! et tout cela entre 250 et 300 noeuds!
En octobre 1966 je suis revenu au CIFAS pour les choses sérieuses, le MIRAGE IV.
Nous avons toutefois commencé par un stage sur NORD 2501, équipé comme le MIR IV, du même radar et du même système de navigation, cela jusqu'au 22 février 1967, date de mon premier vol sur MIR IV, avec le Cdt ALLEGR..
Puis les vols se sont succédés jusqu'au 17 Mai 1967 et le diplôme de fin de stage.

J'ai ensuite été affecté à l'escadron de bombardement "1/93" "GUYENNE" à Istres, où je suis arrivé en Juin 1967.
Mon premier vol n'a pas été une réussite, car nous avons eu une panne réacteur gauche une demi-heure après avoir décollé et avons du faire demi tour. Je me souviens très bien, c'était avec le capitaine VI...un pilote qui avait tellement besoin de fumer qu'il fumait également en vol, alors que c'était bien sûr interdit et surtout extrêmement dangereux!!!c'était pourtant un charmant garçon et un très bon pilote, mais c'était plus fort que lui!
Nous étions constitués en équipage pour les missions de guerre et volions donc la plupart du temps avec le même pilote.
Comme j'étais déjà un vieux navigateur, commandant de bord sur NORD 2501, on m'avait mis avec un pilote, chef de patrouille, ancien de la patrouille de france car il faisait beaucoup de jaloux parmi les pilotes, qui étaient, pour ceux qui faisait parti du staff de commandement, sortis de l'école de l'air. Or mon pilote était officier de réserve mais d'une qualification professionnelle exceptionnelle...alors les jaloux s'étaient dits "on va mettre PERR.. avec lui, ça va certainement faire des étincelles et nous on comptera les points..."
Alors là,ils se sont mis le doigt dans l'oeil jusqu'au coude...après deux ou trois vols d'observations on s'est entendus comme larrons en foire et mon pilote, le capitaine LARRA....m'a fait une confiance totale. Nous avons ainsi effectué nos missions de 1967 à 1970, date de mon départ de l'armée, dans une ambiance formidable.
A ce propos, je vais vous raconter une anecdote : il y a de cela un mois environ, vers le mois de janvier 2001 donc, j'ai visité un site Internet sur l'aviation qui était fait par quelqu'un dont le nom me rappelait un commandant que j'avais connu à Istres.
Je lui ai donc envoyé un Email pour le féliciter pour son site très interessant et en même temps lui ai demandé s'il savait ce qu'était devenu mon pilote que je n'avais pas vu depuis 30 ans... et bien j'ai eu son adresse et nous avons réussi à nous parler pour notre plus grande joie à tous les deux ! Nous allons bientôt nous rencontrer et nous pourrons nous rappeler tout à loisir les souvenirs de nos "campagnes" passées...
J'ai d'ailleurs une petite histoire à vous raconter concernant un des nombreux vols que nous avons fait ensemble en MIR IV.
C'était un vol qui commencait par la région de Perpignan et il y avait de l'orage. Nous étions dans la couche, en montée vers le niveau 420 soit environ 12 600 mètres car nous en étions encore au bombardement en supersonique haute altitude. J'avais prévenu LARRA que nous avions un écho très costaud, juste en face de nous et lui avait précisé que lorsque nous arriverions à son niveau nous serions aux alentours de 39 à 40 000 pieds. D'un commun accord nous ne nous sommes pas déroutés car à cette altitude nous étions certain d'être bien au dessus de ce cunimb...en France les nuages de ce type ne dépassent pas habituellement les 30 000 pieds...et bien on a eut l'air fin! lorsqu'on est arrivé au niveau de la bête on s'est fait foudroyé de belle façon : la radio a été bloquée sur la fréquence employée à ce moment, et nous avons eu des cafouillages à un réacteur, nous avons dû nous dérouter et rentrer sur Istres.A l'arrivée nous avons constaté que l'avion était complètement rempli de trous de la grosseur d'une tête d'épingle, particulièrement sur la perche de ravitaillement.
Cet incident de vol, foudroiement à une telle altitude, à d'ailleurs été conservé dans les comptes rendus d'incidents comme un "cas d'école".

J'ai ainsi passé les années 1967 à 1970 à l'escadron de bombardement 1/93 "Guyenne" dans une ambiance de bonne camaraderie.
Nous avions bien entendu les impératifs d'un escadron opérationnel des F.A.S. ( Forces armées stratégiques) et devions donc assurer les alertes à 5', ce qui veut dire que nous étions prêts à décoller pour notre mission avec la "bombe atomique" dans les 5' qui suivaient le déclenchement de l'alerte.
Nous étions donc enfermés dans la Z.A. (Zone d'alerte) pendant 8 jours avec des relèves tous les deux jours.
Le rete du temps nous avions les missions d'entraînement soit du type "Alpha" en configuration subsonique avec deux ravitaillements en vol, soit les "Bravo" en subsonique avec un ravitaillement en vol, soit les "Charlie" en supersonique.

En fin 1970, arrivant à 15 années de service j'ai du prendre la décision de rester dans l'armée ou de partir et j'ai alors choisi de commencer une autre aventure.

C'est ainsi que je me suis retrouvé en stage "d'initiation aux affaires" à Paris, pendant neuf mois, stage pendant lequel j'ai appris à "me vendre" expression qui faisait déjà fureur à l'époque.

En plus de se vendre nous avons également appris à mieux connaître le monde de l'entreprise et avons eu de bonnes bases en comptabilité, gestion et informatique. Ce stage à véritablement été un excellent départ dans notre nouvelle vie, du moins je pense, pour la plupart d'entre nous.





QUELQUE VUES DE RAVITAILLEMENT EN VOL DE MIRAGE IV ENTRE 1968 ET 1970


Regardez bien ! 
je suis dans le MIR IV, derrière le pilote



Le MIRAGE IV était un bombardier des Forces Aériennes Stratégiques Françaises auxquelles j'ai eu l'honneur d'appartenir en tant que Navigateur-Bombardier.
Cet avion fabriqué par les usines DASSAULT pouvait atteindre un plafond de 50 000 pieds et une vitesse de Mach 2.
Il pouvait effectuer des missions de bombardement par tous temps à l'aide d'un système de bombardement très performant pour l'époque.
Là aussi!




         Avion lisse pour une mission supersonique
 
Voici quelques photos retrouvées dernièrement et concernant mes dernières années dans l'armée de l'air :

Un C 135 ravitailleur du MIR IV L'escadron de bombardement 1/93 
vers 1969/70 Mon pilote pendant 5 ans sur MIR IV Encore un rvt en vol Un MIR IV au décollage avec fusées Jato Ravitaillement en vol d'hier 
et d'aujourd'hui














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